Drôle d’idée direz-vous ! On peut difficilement parler des femmes Managers, tout comme il serait inconséquent de parler des femmes au volant ou des femmes dans les études ! Nous portons tous en nous une part de « féminin » et de « masculin ».
Pour être le plus objectives possibles, battre en brèche les idées reçues et ne pas tomber dans des lieux communs, nous avons donc fait le choix de traiter ce thème en vous livrant les regards croisés de trois femmes, leurs histoires vécues et expériences de Manager Commercial.
Merci à Danièle, Directeur Général, à Caroline Directeur Régional et à Juliette Expert en Développement des Ventes, qui ont accepté de se livrer à l’exercice !
Premiers pas dans le Management : Entrainées, inspirées par nos pygmalions
Caroline – « Mes 2 premières années j’ai été managée par une femme. Elle a laissé grandir l’envie en moi ! ».
Puis dans les Années 80 et jusqu’en 2000 j’ai travaillé avec une autre femme, héritière de l’entreprise familiale. Pour moi une femme était « un homme comme les Autres». Ces premières rencontres ont marqué mon parcours. Elles ont incarné Puissance, Vision, Elégance, Compétence, Charisme. Mon modèle c’est cela, mais en pleine conscience d’être dans un monde à dominance masculine.
Christine – En ce qui me concerne, c’est un homme qui a créé cette vocation alors que j’effectuais un très beau parcours commercial. Dans un monde 100% d’hommes, il m’a entrainée à oser ! Nous sommes au tout début des années 80.
Morale de l’histoire : Certaines femmes nous ont inspiré. Mais dans la réalité les processus de décision sont encore un monde d’hommes.
Le syndrome du « happy few »
Lorsqu’on monte dans les strates plus élevées des Entreprises on trouve peu de femmes. Comment se passe alors notre accession à ces sphères privilégiées ? Comment nous acceptent ces femmes qui y sont déjà et bénéficient d’une position de « happy few » qui souvent leur convient bien ? Comment nous comportons nous nous-mêmes ?
Expériences vécues… Nos meilleures alliées, lorsque nous avons développé nos carrières, n’ont pas toujours été des femmes, elles ont parfois même été le contraire.
Morale de l’histoire : Ces propos politiquement incorrects peuvent nous attirer les foudres. Et de plus certain(e)s peuvent se gargariser de cette situation et nous ne voulons pas cela ! Le chemin est long et la route est dure pour accéder aux plus hautes sphères. Toutes les alliances sont nécessaires pour réussir et chacune d’entre nous contribue à ces victoires. Solidarité doit être notre mot d’ordre.
Le développement d’un côté push
Caroline – Les années 80 n’étaient pas faciles et je n’avais pas conscience dans ces années-là d’une telle différence et du chemin qu’il y avait à faire. J’ai eu à déployer beaucoup d’énergie dans les domaines dans lesquels j’étais : travailler beaucoup et me remettre en cause souvent. J’étais dans le domaine des chantiers navals. Tous mes confrères me trouvaient agitée… C’est là où j’ai compris que j’étais dans un monde masculin. J’avais 25 ans !
Christine – En seront certainement témoins celles qui ont réussi à grimper dans l’entreprise, tout ceci ne se fait pas sans mal. Batailler et 100 fois essayer encore, là où nos collègues masculins affichaient souvent une progression fulgurante… Il nous a fallu patience pour progresser.
Il m’a fallu aussi développer un côté battant et push à la fois dans les Relations avec mes pairs et avec mes collaborateurs ! M’amenant même parfois à me mettre dans une opposition improductive pour faire valoir mes arguments.
Danièle – Notre attitude perçue comme « masculine » est vécue parfois par les hommes comme de l’agressivité. Il s’agit en réalité de sur-énergie, branchée sur des 420 Volts ! Cette sur-énergie déployée n’est jamais (ou rarement) constatée chez des hommes et est vécue comme un excès d’autorité.
Morale de l’histoire : Cette « sur-énergie » plait à certains mais peut aussi nous mettre en opposition avec d’autres. Nécessaire pour progresser professionnellement, elle peut nous desservir ensuite.
« Assumer » notre féminité
La fonction commerciale est un monde très masculin. Il nous faut surtout rester féminines en toutes circonstances. Tout en adoptant une attitude et des propos qui ne laisseront aucune place aux dérapages inélégants. Tout un art…
Christine – Cela me rappelle une formation : J1, je suis face à un macho inélégant et qui pénalise l’ensemble des participants. J2, phrase assassine mais avec la touche de féminité « qui va bien ». Tout est immédiatement rentré dans l’ordre
Morale de l’histoire : Notre féminité est un atout. Nul besoin de manager comme un homme pour réussir. Etait-il nécessaire de le rappeler ?
Le syndrome du « Sois parfaite »
Pour reprendre cette phrase célèbre de Françoise Giroud « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. ». On constate trop souvent une certaine frilosité des femmes pour se positionner. « Non ce n’est pas pour moi, je ne saurai pas faire, je n’ai pas les compétences nécessaires ». Donc on ne se lance pas et en toute logique on ne réussit pas. Echange récent avec une DRH qui proposait à S. un poste de Directrice Réseau : Mais je ne peux prétendre à ce poste je n’ai jamais été Directrice de Région !
Danièle – Question de culture et d’éducation ? La fille doit avoir « cliqué les 5 branches de l’étoile » avant d’aller quelque part. L’homme n’a pas le choix, il est dans l’offensive.
Et c’est peut-être pour cette raison que la femme a souvent besoin d’un Pygmalion pour se lancer ?
Morale de l’histoire : Pour paraphraser le slogan d’une marque bien connue : « Apprendre à oser ! »
Notre place et notre apport : L’influence de la femme dans une équipe de Managers
Caroline – Je me suis souvent retrouvée seule femme parmi les hommes. L’arrivée d’une femme rend les hommes un peu moins « potaches ». Cela apporte au débat si nous sommes plusieurs car le risque est de rallier la même analyse qu’eux lorsqu’on est seule parmi eux. Dans la façon de fonctionner, le rapport à la séduction est fort. Quand nous sommes deux, nous sommes un peu en compétition. A trois, nous commençons à être un groupe, pour peser et contribuer à apporter des idées.
Danièle – La « touche féminine » s’empare souvent des sujets avec plus d’enthousiasme et de passion. Nous sommes portées par des challenges.
Exemple qui figure au rang de mes souvenirs les plus forts : Nous sommes dans le domaine du tabac. Pour être dans la caricature « j’avais tout faux » : 1) je n’étais pas de leur monde, 2) j’étais une femme. Les enjeux : une profonde transformation à opérer.
Les ventes étaient la dernière roue du carrosse et arrive alors la loi Evin. J’avais envie que cette équipe de wagons devienne locomotive !
La façon « Masculine » de traiter la question : C’est quand même la vente qui fait le CA !
La façon « Féminine » : De l’empathie pour ceux qui font vivre l’entreprise. Un côté éponge et ectoplasmique spécifique aux femmes. Nous enveloppons, nous sommes plus formatées pour nous adapter, avec peut-être une meilleure capacité d’écoute et sans combat de testostérone.
Autre angle de vue, la perméabilité, la capillarité du comportement des dirigeants est beaucoup plus forte maintenant que dans les années 80. Besoin de plus de repères humains ? Transparence des réseaux sociaux ? La hiérarchie est passablement challengée. « Tu dois faire toi si tu veux t’imposer ».
Il y a un vrai rôle des femmes à jouer dans cette quête d’exemplarité et d’accompagnement.
Morale de l’histoire : Une véritable complémentarité à développer. La vérité est dans l’équilibre Hommes / Femmes. Et l’évolution des attentes ouvre une large voie aux femmes.
Quota pour ou contre ?
Christine – Vaste question… Contre aurais-je dit de manière très spontanée. Car il n’est pas question qu’une femme soit nommée grâce au fait que tel ou tel quota doit être atteint ! Et pourtant souvent cela peut donner un pli, obliger les recruteurs à avoir en tête cet équilibre. C’est un véritable enjeu pour l’entreprise car souvent les jeunes femmes à leur entrée dans la fonction commerciale constatent le peu de femmes « en haut » et se sentent bloquées dans leur perspective d’évolution.
Les années 80/90 ont vu la propulsion de femmes en « managers de proximité » pour vivre ensuite un effet balancier mais le pli était pris. Aujourd’hui c’est moins un sujet et la loi Copé-Zimmermann impose plus naturellement les femmes dans les Conseils d’administration.
Danièle – Je suis très pour ! En témoignage je citerais une boite Américaine rachetée par une boite japonaise. Sa partie Ouest était plutôt bonne en Market et Ventes, sa partie Est réputée pour sa qualité produit. A l’époque 7% seulement des « merges » asiatiques réussissaient et les japonais étaient partout. L’expérience mixité a été réussie par force et si on avait eu le choix cela ne se serait jamais passé. Forcer par un quota fait bouger.
Caroline – Dans les années 90 j’étais contre. Je considérais cela comme humiliant ! J’ai changé mon point de vue dans les années 2000. C’est un mal nécessaire pour que les choses avancent.
Morale de l’histoire : Le Quota est un catalyseur puis la nature fait son boulot. Il faut accepter cela pour « pousser la boule ». C’est lourd de faire évoluer les comportements. Imposer est nécessaire pour faire progresser.
Prospective : les femmes Génération Y ?
Christine – Question intéressante et qui me renvoie à la remarque de mes filles : Elles ont plus d’exigence et envie d’un meilleur équilibre entre vie de femme et vie professionnelle.
D’aucunes pensent même qu’une belle carrière commerciale peut permettre d’aiguiser certaines qualités pour réussir sa vie !
Caroline – Dans les 20 dernières années il s’est passé des choses. Ce ne sont pas seulement les femmes qui ont changé mais les hommes aussi. Ils ont changé leur place dans la société et ils ont été contents de le faire. Aurions-nous pensé cela il y a 20 ans ?
Que transmettons-nous à cette génération qui n’est pas faite comme nous ? Elles ne s’adapteront pas… elles. Je pense que pour les attirer et fidéliser les femmes managers, les organisations devront prendre en compte leurs objectifs. Au-delà de la compétence de leadership qui reste nécessaire pour emmener les équipes quelles qu’elles soient, elles sont à la recherche d’harmonie, de partage de la compétence, de consensus et de collaboration.
Morale de l’histoire : Pour faire progresser les femmes dans l’entreprise, n’adoptons pas une attitude velléitaire sans nous appuyer sur les grosses avancées récentes et les luttes menées pour en arriver là. Et à nous « d’irriguer » l’entreprise des attentes des femmes nouvelle génération.
Prospective : Nous-mêmes pygmalions des jeunes générations de femmes ?
Danièle – Est-ce un trait féminin ? Faire monter nos collaborateurs en puissance est notre grande fierté
Caroline – J’ai vécu une grande évolution entre les années 90 et 2000. Je me suis attachée à aspirer/inspirer des femmes, à être moi-même un détecteur de potentiel, leur donner conscience de leurs ambitions. C’est ce que je trouve être le meilleur dans mon rôle de manager. C’est mon ADN, mon rôle dans la transmission. Forcément cela va faire bouger car les hommes se sponsorisent entre eux.
Morale de l’histoire : Un bel engagement, un nouvel esprit et des petits pas dans les entreprises. Inspirer des femmes qui sont méritantes et qui ne se retrouvent pas dans ce monde d’hommes.
Conclusion
Cet article marque la fin d’une série d’article sur le Management : Manager ? Non merci ! – Manager en couleurs – Générations Y et Z Parlons Management – Managers de proximité…
L’idée force de tous ces articles est une évolution des jeunes générations et leur appétence à plus de sens. Et donc un rôle clé des femmes à jouer avec leur empathie et leur goût pour accompagner.
De belles bases de réflexions à poursuivre ensemble ?
Christine
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One thought on “Manager « au féminin », nos réflexions en détail”
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